L’histoire du jean Levi’s 501

Un restaurant éclairé au néon, des banquettes en simili cuir rouge, des gratte-ciels avec, à leurs pieds, des ruelles d’où sort une vapeur mystérieuse, une guitare électrique, des routes interminables qui vont de déserts en forêts en canyons en stations service miteuses, un grand chapeau en feutre ou un bandana autour de la tête, un milkshake, un brushing flamboyant, un joueur de baseball, une grosse moto, voilà comment on pourrait définir “L’Americana”. Et on pourrait y ajouter, quelques-uns ont peut-être même repéré son absence, une paire de jeans. Et si l’on zoome sur cette paire de jeans, on y trouvera certainement une étiquette rouge cousue sur la poche arrière. Et si l’on zoome encore un peu plus, en faisant le focus sur son jacron, il y a trois chiffres qui apparaissent : le 5, le 0 et le 1. Car, plus qu’un simple modèle de pantalon en denim, le Levi’s 501 est un morceau d’histoire, de culture et de folklore américains, avec tout ce que cela comporte. Un 5 poches riveté coupe droite qui a fêté ses 150 ans en 2023 et qui, après toutes ses années, malgré une relative baisse de qualité dans sa fabrication et la multiplication de ses coupes et couleurs, n’a pas encore été détrôné.

Du Levi’s 501 naquit le jean

1873. Deux hommes visionnaires, Levi Strauss, tout simplement considéré comme l’inventeur du “blue jean”, et le tailleur Jacob Davis unissent leurs talents pour créer un jean révolutionnaire. Comment ? En ajoutant, à la toile robuste qui fait le succès de Levi Strauss, des rivets en cuivre pour le solidifier et faciliter sa réparation. Le Levi’s 501 voit alors le jour, capable de résister aux conditions de travail pas commodes de la fin du XIXe siècle. On ne sait pas vraiment pourquoi il s’appelle comme ça – il s’agirait simplement de la numérotation d’un lot de tissu – mais l’histoire du denim peut vraiment démarrer.

James et Bruce

Si, pendant une grande partie du 20e siècle, l’utilisation du 501 (et des autres jeans rivetés qui ont profité du fait que le rivetage soit rapidement tombé dans le domaine public) se limitait aux ouvriers – et aux chercheurs d’or selon la légende – il ne faudra pas attendre très longtemps avant de voir le denim aux fesses de “civils”. Après la Seconde Guerre mondiale, le Levi’s 501 devient le symbole vestimentaire d’une jeunesse rebelle en quête de liberté. Au cinéma, James Dean l’enfile dans “La Fureur de vivre” en 1955, entérinant, une bonne fois pour toutes, le statut d’icône du 501. Il en devient même une “arme” du soft-power américain, le monde entier s’arrache le denim aux trois lettres, que l’on voit absolument partout.

Au milieu des années 80, c’est l’apothéose, le “Boss”, l’immense star Bruce Springsteen, pose avec un 501, de dos, sur la pochette de “Born in the U.S.A.” (1984) qui deviendra l’une des plus emblématiques de l’histoire. Depuis, c’est succès après succès, peu importe les délavages, les coupes (car oui, il existe plusieurs coupes de 501, même du skinny), les rééditions, il est toujours l’un des best-sellers de la marque américaine qui se diversifie pourtant à tour de bras.

Vintage, vintage, vintage

Mais le 501 n’est pas qu’une star des centres commerciaux et boutiques de centre-ville. Non, c’est aussi – et de plus en plus – une vedette sur le marché de la seconde main ! Pourquoi ? Tout simplement parce que le 501, c’était mieux avant. J’ai récemment acheté une paire aux Etats-Unis, parce que je suis un touriste comme les autres, et, si la coupe droite d’origine est bien là, la toile est un peu moins épaisse, plus souple, et les coutures semblent moins robustes que sur mes modèles vintage. Et je ne suis pas le seul à avoir remarqué ce changement de politique de Levi’s, puisque les avis sont nombreux dans ce sens. En fait, la marque ne fait que s’adapter à la demande toujours grandissante (tout en voulant faire un poil plus de bénéfices on va pas se mentir), et ce depuis le début des années 80 avec la disparition du selvedge à grande échelle et les premières délocalisations de la production, d’abord en Europe puis en Afrique et en Asie, jusqu’à la fermeture de la dernière usine Levi’s aux Etats-Unis en 2003. C’est d’ailleurs souvent cette date qui est citée comme étant la “frontière” entre un bon et un mauvais 501. Bon, on ira pas jusque-là, puisque Cone Mills a continué de fournir des toiles à Levi’s jusqu’à sa fermeture définitive en 2017 et que la marque continue de travailler avec des usines américaines et de sortir des versions “haut-de-gamme” de son iconique pantalon, notamment les reproductions de la ligne “Vintage Clothing” mais c’est un peu plus cher…

Tout le monde aime le Levi’s 501… ?

Mais alors, pourquoi cet engouement ? Pour l’histoire, d’abord, car il s’agit du premier vrai jean moderne “5 poches” (même si la 5e poche n’est arrivée qu’au début du XXe siècle), pour la qualité de sa conception même si c’est un peu moins vrai ces dernières années, pour sa coupe droite qui a inspiré l’intégralité des jeaners qui ont suivi, et son aura qui porte avec elle toute l’Amérique. Puis il y a le marketing, Levi’s a su jouer ses cartes et faire de son porte étendard l’un des vêtements les plus emblématiques de l’histoire. Car si aujourd’hui c’est au Japon que l’on fait les meilleurs jeans – des 501 de la ligne “Vintage Clothing” sont d’ailleurs fabriqués au Japon – ce sont bien les 3 chiffres phares de la marque à l’étiquette rouge qui sont les plus ancrés dans la culture. Ça n’est pas près de changer et, pour ma part, je continuerai, à chaque voyage chez l’Oncle Sam, de rapporter une paire de 501, peu importe ce qui suit le “Made in” sur l’étiquette.

Reproduction d’un 501 selvedge des années 60 dans la collection Vintage Clothing

Un héritage

En conclusion, le Levi’s 501 est bien plus qu’une pièce de denim. C’est une histoire d’innovation, de rébellion, de réinvention et d’authenticité. Porté par des générations d’hommes (et de femmes) à travers les décennies, ce jean incarne une élégance décontractée qui résiste à l’épreuve du temps. Alors que la mode évolue, le Levi’s 501 demeure un phare dans le monde en constante mutation du denim masculin, rappelant à tous que le style véritablement intemporel ne se démode jamais. Un peu comme on porte encore aujourd’hui des vêtements et accessoires au logo des Chicago Bulls alors que c’est redevenu une équipe moyenne.

Plus d’infos : https://www.levi.com

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