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Dr Martens : histoire d’une icône du rock

Lorsque l’on évoque l’histoire de la chaussure anglaise, des grands noms nous viennent immédiatement en tête : on pensera à Crockett & Jones mais aussi, Church’s, Grenson, John Lobb, Tricker’s et j’en passe. La liste pourrait être encore (très) longue tant le Royaume-Uni (mais surtout la région du Northampton) abrite des maisons de renom. Parmi elles, il y en a une dont le chemin est différent, qui s’éloigne de ce côté « élégance britannique » : c’est bien entendu Dr Martens. Entre création médicale et part indissociable des uniformes des contre-courants anglais des années 70, la marque a su se réinventer, se développer et élargir sa gamme pour rester, au fil des saisons, un incontournable. Aujourd’hui, on vous propose de revenir sur son histoire :

Sommaire

1. L’origine de Dr Martens
2. L’uniforme des contre-courants anglais
3. Dr Martens aujourd’hui


1. L’origine de Dr Martens

A. La genèse allemande

Bien souvent, lorsqu’est contée l’histoire de Dr Martens, un homme est cité : Klaus Maertens. D’après la légende, ce docteur allemand se serait blessé au début des années 50 lors de vacances au ski et aurait cherché à développer, avec son ami le Dr Herbert Funck, une chaussure orthopédique lui facilitant ses déplacements. Il développe alors une paire à partir d’un vieux pneu de voiture. Au fur et à mesure, il améliore son invention pour plus de confort, jusqu’à arriver à un modèle incorporant une semelle sur coussin d’air, les « Doc Maertens » étaient nées. Klaus Maertens dépose alors un brevet pour protéger son invention et en 1947, il débute la production de ses chaussures à la main, dans la ville de Seeshaupt. Le succès est alors immédiat et oblige Funck et Maertens à ouvrir une usine à Munich en 1952.

Klaus Maertens

À la fin des années 50, la gamme s’étend à plus de 200 modèles différents et 80% de la production s’adresse alors aux femmes de plus de 40 ans. Il ne lui reste plus qu’une chose à faire pour Klaus et Herbert : faire connaître leur produit. Si il est certain que nos chers docteurs allemands sont les géniteurs de la marque, leur aventure n’aurait pu prendre une dimension internationale sans l’intervention d’un ingénieur anglais : Bill Griggs. L’homme est alors à la tête d’une importante manufacture basée à Wollaston, dans le Northamptonshire. L’usine est réputée pour la résistance de ses produits, notamment pour ses bottes de mineurs et pour soldats.

B. Le début d’une renommée internationale

En 1959, il tombe sur une publicité dans un magazine professionnel (le « Shoe & Leather News ») pour une invention, une semelle en coussin d’air développée par deux docteurs allemands. Malgré les mises en garde de son entourage, qui ne voit qu’un gadget, l’ingénieur anglais a su immédiatement déceler le potentiel du concept. Il décide alors de les rencontrer et finit par se lier d’amitié avec les docteurs. De fil en aiguille, Bill acquiert la licence exclusive. Le premier modèle issu de cette union anglo-germanique est alors destiné à une utilisation professionnelle. En effet, Bill Griggs est au fait que les ouvriers d’usine anglais portent certes des boots de protection, mais trouvent ces dernières très inconfortables.

Bill Griggs

Bill Griggs décident donc d’acquérir les seules machines capables de réaliser ces fameuses semelles. Seul soucis (et pas des moindres) : elles sont rares et coûteuses. Fort heureusement pour lui, l’usine où elles se trouvaient fait faillite, lui permettant de les acquérir à bon prix. Il décide alors de les ramener à Cobbs Lane, son usine, pour les y intégrer. Autre déconvenue : elles sont trop hautes et ne rentrent donc pas dans le bâtiment ! Sans se démonter, Griggs contacte le conseil de la ville afin de pouvoir augmenter la hauteur du toit. Demande qui débouche sur un refus catégorique de la mairie, qui amène notre bon vieux Bill « la malice » a purement et simplement creuser le sol de son usine ! Les machines sont installées, il est désormais grand temps de produire des chaussures.

Dr Martens Semelles

Bill Griggs et son équipe décident de remanier quelque peu la paire produite par les deux docteurs allemands. Destinée à être portée dans le monde professionnel, la chaussure voit sa forme, et notamment son bout, devenir plus arrondie. Aussi, la tige est faite à partir d’un cuir ultra résistant. La semelle est également repensée pour accueillir une double teinte et un rainurage sur son pourtour, ainsi qu’une empreinte très distinctive. Même sa surpiqûre devient jaune ! Sur la languette apparaît rapidement la mention « With Bouncing Soles », écrite de la main de Bill Griggs. Aussi, et en pleine période de Guerre froide, Griggs décide d’angliciser le nom pour « Dr Martens ».

Dr Martens Logo

La toute première paire estampillée Dr Martens sort de l’usine de Cobbs Lane le 1er avril 1960. C’est d’ailleurs ce nom, 1460, que choisira Griggs pour la désigner. Les premières personnes à bénéficier de cette paire sont les ouvriers, les artisans, ainsi que les employés du métro londonien. Très vite, une version basse accompagne les bottes. Nommée 1461, elle trouve grâce auprès des postiers, puis ensuite des policiers. La paire sera d’ailleurs officiellement précisée dans leur uniforme dans les années 70. Seule prérogative : passer la couture jaune au stylo noir, afin de respecter le code couleur standard !

La marque est donc encore très ancrée dans le monde du travail. À cette époque, Dr Martens n’a rien d’un produit mode, alors que le produit chaussure est en plein effervescence avec différentes tendances (comme la Desert boots de Clark’s par exemple ou encore la bottine Beatles, portée évidemment par le groupe éponyme). Quoiqu’il en soit, plusieurs sources viennent à affirmer que la première personne publique à porter une paire de Dr Martens soit Tony Benn, un politicien du parti socialiste. Membre du parlement, il a participé activement au développement, au maintien et au respect des droits des travailleurs. Lors de manifestations, il n’était alors pas rare de le voir en tête de cortège vêtu d’un costume gris et d’une paire de 1461 aux pieds. Les Dr Martens viennent de faire leur entrée dans le monde public.

Tony Benn


2. L’uniforme des contre-courants anglais

A. Les Hard Mods et le début du mouvement skinhead

Les années 60 voient émergées en Angleterre ce que l’on appelle des sous-cultures. En tête de liste, on citera les Teddy Boys, mais aussi les Mods ainsi que les Rockers. Parfois désignés comme des gangs, ils seront à l’origine de plusieurs règlements de comptes et faits de violence, notamment à Brighton. Si les Mods étaient à l’origine les plus aboutis esthétiquement parlant (costumes italiens, chaussures haut-de-gamme, etc.), une branche de cette mouvance, proche du prolétariat, va s’en écarter : les Hard Mods. Leur style diffère radicalement, troquant costume et souliers pour jeans, bretelles et boots militaires.

Skinhead Dr Martens

Clairement, la tenue vestimentaire dans les années 60 est un signe d’appartenance. La fin de cette décennie voit alors apparaître le mouvement skinhead. Ici, plus qu’une dimension vestimentaire, c’est également un aspect musicale qui y est très important. Les skinheads étaient à leur origine associés à une sorte de bande de jeunes qui faisaient bloc ensemble tout en rejettant les standards de la société. Propulsés par de jeunes afro-caribéens issus de l’immigration d’après guerre, la musique reggae, mais aussi le ska et la soul américaine deviennent la musique fédératrice entre Hard Mods et Rude Boys. À l’époque, et bien que la mouvance n’ait pas l’image la plus glorieuse (violence, drogue, etc.), les skinheads sont encore bien loin de l’idéologie fasciste qu’on peut leur porter aujourd’hui.

Skinhead Black Dr Martens

Outre la musique, c’est le port systématique (voire obsessionnel) de boots militaires qui définit le mouvement. Chacun use donc de ses talents pour personnaliser sa paire, mais aussi pour la rendre quasi indestructible. On constate alors certaines paires recouvertes de coques en métal, elles-mêmes recouvertes de piques ! Suite à des dérives, hooliganisme en tête, la police interdit le port de ces chaussures, considérées comme « offensive weapon ». C’est à ce moment que les skinheads se tournent vers Dr Martens et ce pour plusieurs raisons. La première est sans aucun doute son appartenance au milieu prolétaire. En effet, ce sont les ouvriers, les « petites gens », qui portent cette paire à l’époque. Autre point important : son look immédiatement identifiable mais loin, très loin, des standards de mode. Du vestiaire workwear anglais, Dr Martens devient alors un signe de ralliement, un symbole underground et de rébellion.

B. La fin du mouvement skinhead et son impact sur Dr Martens

Pour certains, le mouvement skinhead s’effrite rapidement et disparaît officiellement aux alentours de 1972. Malgré tout, certaines subdivisions subsistent et se distinguent par une aggravation de leurs actions violentes, sexistes et même racistes. Le mouvement, ou du moins ce qu’il en reste, se radicalise et se politise, venant ainsi dissoudre définitivement ses valeurs initiales de partage et d’insouciance. Malheureusement pour Dr Martens, elle devient alors l’apanage de cette nouvelle mouvance, entachant profondément son image. La marque est perçue comme le parfait uniforme du fascisme, la preuve d’une appartenance à une tranche bien spécifique de la population. Pas étonnant donc que Stanley Kubrick ait choisi la 1460 pour habiller Alex Delarge et sa bande dans son cultissime « Orange Mécanique » !

Orange Mecanique

C. Les punks, le passage à vide et le grunge

Nous sommes au milieu des années 70. Une nouvelle fois, la classe ouvrière et les milieux populaires laissent échapper une nouvelle mouvance : le punk. D’après la légende, ce nouveau courant voit officiellement le jour le 6 novembre 1975, lors d’une soirée organisée à la Saint Martin School of Art de Londres. Après seulement 5 chansons, un des managers, furieux par le bruit et le chaos ambiant, coupe le courant pour stopper l’élan destructeur du groupe réservé pour l’occasion… Il s’agit des Sex Pistols. Plus qu’un mouvement, c’est un véritable univers artistique avec ses propres codes, mais aussi une attitude de révolte et d’irrévérence. Pour son prix, son confort, sa durabilité et sa faculté d’adaptation, la 1460 intègre alors l’uniforme du mouvement punk, tout comme les creepers, les monkey boots, etc.

Punk Dr Martens

Malheureusement, le mouvement punk disparaît plus au moins vers 1979. Rapidement, il est remplacé par le Two Tone, moins radical et prônant la mixité et la lutte contre le racisme. Là encore, Dr Martens devient l’uniforme du parfait groupe de Two Tone, comme Madness ou The Selecter. Les années 80 marquent pour Dr Martens l’une de ses meilleures périodes. C’est bien simple, la plupart des mouvements alternatifs s’en emparent : goths, le mouvement psychobilly (entre punk et rockabilly), le mouvement Oi!, la cold wave, la new wave, ou le punk hard-core US, tous veulent leur paire ! Cette décennie voit également éclore un féminisme plus poussé, plus contestataire. Les femmes s’habillent désormais pour elles et pour elles seules. Les 1460 sont utilisées pour contrebalancer une féminité exacerbée et deviennent même pour certaines un signe d’engagement auprès du mouvement.

Fin des années 80, la popularité de Dr Martens commence à s’essouffler. La récession mondiale de l’époque amène de nouveaux mouvements contestataires à faire parler d’eux. L’un des plus connus est alors le grunge. Sa côte de popularité explose d’ailleurs avec un groupe, Nirvana, dont le second album, « Never Mind » (avec le classique Smells like teen spirit) révèlera le grunge au monde entier. Comme ses prédécesseurs, il est également régit par un code vestimentaire : cheveux gras longs, baggys, casquette, et, bien évidemment, paire de Dr Martens. En France, collégiens et lycéens mais aussi étudiants et professeurs, s’emparent de Dr Martens. Le ras-de-marée est immédiat et pousse même la marque à créer une filiale à Draguignan en 1998 afin de mieux servir le marché français. Personnellement, je me souviendrai toujours de la paire de 1460 verte portée par ma soeur et custom au blanco (une vraie rebelle !).

kurt cobain rock style


3. Dr Martens aujourd’hui

A. Le début des années 2000, une période noire

Les années 2000 célèbrent les 40 années d’existence de Dr Martens. Pour l’occasion, la marque invite de nombreux créateurs à revisiter son modèle iconique. Vivienne Westwood, mais aussi Paul Smith ou encore Olivia Morris détournent alors allègrement la paire pour nous livrer leur vision de la 1460. Malheureusement, cela n’empêchera pas la marque de sombrer dans l’une de ses périodes les plus difficiles. En effet, l’évolution de la demande, les changements de comportement des consommateurs et probablement la surexposition de la marque déclenchent un effondrement des ventes. La marque est alors sauvée in-extremis de la faillite et un nouveau directeur est nommé à sa tête : David Suddens. Pour sauver l’entreprise, il fait le choix difficile de délocaliser la production. Rare fleuron britannique faisant face à la main d’oeuvre bon marché asiatique, la marque finit donc par céder à ses appels.

Dr Martens Scene

Lors de cette délocalisation, les machines sont démontées puis transportées en Asie afin d’y être remontées. Des ouvriers anglais les suivent pour former les ouvriers locaux à leur utilisation. Malgré tout, l’usine originelle est gardée afin de produire des séries limitées ou spécifiques (la ligne « Made in England » entre autre) et travailler sur des prototypes. C’est également à cette époque que la filière françaises s’arrête, dans une politique de restructuration de la distribution internationale de la marque.

Dr Martens 1460 Noire

B. 2010 : un demi-siècle d’existence et une renaissance

Début 2010, la marque souffle sa cinquantième bougie. Après s’être associée à d’autres créateurs (Yohji Yamamoto, Raf Simons ou encore Jean-Paul Gaultier pour ne citer qu’eux) afin, une nouvelle fois, de repenser ses paires, Dr Martens a voulu fêter l’occasion en misant sur son thème de prédilection la musique. Ainsi, 10 chansons mythiques des 5 décennies passées ont été reprises par par 10 groupes actuels et d’horizon complètement différents. Le but : prouver qu’elle va à tous et qu’elle répond aux besoins de chacun. Si, aujourd’hui, la marque est toujours plus ou moins raillée pour sa production asiatique, il n’empêche qu’elle continue de vivre dans le coeur de chacun comme un mythe de la chaussure britannique. Qu’on aime ou qu’on déteste, impossible de ne pas reconnaître immédiatement une paire de Dr Martens, tant son style a marqué des générations.

Plus d’infos : www.drmartens.com

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