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Reportage dans les ateliers de Le Minor

Plus que de porter de bons vêtements, ce que l’on apprécie dans la « sape », c’est tout ce qu’il y a autour. Plus précisément, une pièce nous fera davantage vibrer si elle raconte une histoire, si elle fait partie d’un univers. Mieux encore, la matière utilisée et la façon dont a été conçu ce vêtement rentre invariablement en compte lorsqu’il s’agit d’acquérir (ou non) une nouvelle pièce. En somme, on aime quand nos vêtements traduisent un certain savoir-faire et que les porter permet de le faire perdurer. Et, cerise sur le gâteau, on les apprécie d’autant plus lorsqu’ils sont conçus en France. Mais concrètement, cet exercice peut s’avérer parfois compliqué quand on voit à quel point le secteur du textile a fortement périclité ces dernières décennies. Heureusement, toutes les entreprises n’ont pas rendu les armes et certaines continuent de faire tourner leurs machines afin de proposer les meilleurs produits qui soient, pour le plus grand bonheur d’amoureux du tissu. Si on vous raconte tout cela, c’est parce que nous avons poussé les portes d’une entreprise bretonne ayant vécu mille vies : Le Minor. Aujourd’hui, on vous fais part de notre expérience et de notre ressenti lors de la visite de ce lieu chargé d’histoire, qui vient de profiter de grands travaux et de s’offrir un coup de jeune.

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Sommaire

1. L’histoire de Le Minor

A. Un début tumultueux

À l’origine de la marque, on trouve une bonneterie dont l’atelier est créé en 1922, à Lorient : la Manufacture de Bonneterie Lorientaise. Ce dernier est alors spécialisé dans la confection de pulls destinés aux marins pêcheurs bretons. En parallèle, Le Minor voit le jour en 1936 à Pont-l’Abbé, dans le Finistère. L’entreprise est alors créée dans le but de sauvegarder un savoir-faire : la broderie bigoudène. Marie-Anne Le Minor monte un atelier afin de faire perdurer cet art et, surtout, de le transmettre. Malheureusement, elle se rend vite compte que le marché du vêtement folklorique breton n’est pas le plus actif et décide alors de fabriquer des poupées à l’aide de ce savoir-faire : le succès est immédiat. La Seconde Guerre mondiale éclate, l’activité est ralentie et prend une nouvelle forme. En effet, Le Minor transpose sa broderie bigoudène sur du linge de table : nappe, serviette, etc. Là encore, le succès est au rendez-vous. À la fin de la guerre, l’entreprise développe sa première ligne de vêtements.

B. Les premières pièces Le Minor

À cette époque, les deux fils de Marie-Anne entrent dans l’entreprise afin de co-gérer la maison. Leur but : se lancer dans le vêtement. Ils créent alors leur toute première pièce : le kabig. Sorte de « duffle coat breton », il a la particularité d’avoir une poche qui sert de chauffe-mains et est inspiré du vêtement de travail des goémoniers. Très vite, cette pièce devient un carton commercial : chaque génération porte son kabig. De là, la marque développe toute une gamme de vêtements en drap de laine, de plus en plus travaillés et ouvragés. Le travail fourni par Le Minor et la qualité de ses pièces forcent alors certaines maisons de luxe à contacter l’entreprise pour travailler avec elle. De fait, Le Minor se hisse en tant que marque très haut de gamme, tout en gardant son image bretonne.

Le Minor Rody Sylvain

C. Période phare puis chute de Le Minor

Au début des années 70, 500 personnes travaillent chez Le Minor. La marque développe de plus en plus sa gamme pour devenir une véritable enseigne de prêt-à-porter. Son atelier travaille pour ses propres collections mais façonne également des pièces pour Dior, Courrèges et bien d’autres. Tout va donc pour le mieux pour l’entreprise bretonne. Malheureusement, en 1982, tout s’effondre. Les causes ne sont pas distinctement définies mais une mauvaise gestion de l’attente de ses clients serait à l’origine du déclin de Le Minor. La famille Le Minor décide alors de se concentrer sur son métier de base, à savoir la broderie, et garde la boutique de Pont-l’Abbé, pour écouler sa production. La Manufacture de Bonneterie Lorientaise reprend alors à son compte la fabrication du prêt-à-porter Le Minor, en faisant perdurer l’atelier de fabrication de manteaux en laine, au côté de sa ligne de mailles haut de gamme. Elle s’installe à Guidel en 1965 afin de travailler sur une surface plus importante (en 1977, la manufacture emploie 250 personnes !).

D. L’ère Grammatico

La gérante de MBL, madame Corlay, après avoir réussi à éviter la fermeture définitive de son entreprise, la cède à son fils qui finira par la faire couler 4 ans plus tard. En 1987, la famille Grammatico, déjà à la tête d’un petit empire textile dans les années 80, décide de racheter Le Minor et la manufacture. Elle développe Le Minor et lui offre un véritablement second souffle. Malheureusement, la crise textile, enclenchée dans les années 90, frappe de plein fouet l’Hexagone. Malgré tout, Le Minor tient le coup et la famille Grammatico prend le pari fou de continuer coûte que coûte à réaliser sur son site lorientais l’intégralité de sa production. Une stratégie payante, qui lui permettra de rayonner à l’international, notamment en Asie et plus particulièrement au Japon. En effet, ce côté intransigeant sur la qualité et la fabrication locale va séduire le marché nippon.

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E. Le Minor au service de l’armée

Léger retour en arrière. Au début des années 70, Le Minor signe un important contrat avec l’armée française, notamment la Marine nationale. En effet, elle devient son premier fournisseur de pulls marins. Tous les quatre ans, la Marine renouvelle son équipement et, pendant plus de quatre décennies, renouvelle également son contrat avec Le Minor. En 2010, elle décide de le renégocier et divise son budget par deux. Mademoiselle Grammatico perd alors un client structurel et, refusant encore et toujours de délocaliser (malgré quelques encouragements à le faire de la part des autorités publiques à l’époque), elle décide d’ouvrir son atelier à d’autres petites marques pour essayer de remplacer en volume la perte de ce client (très) important. C’est ainsi que Le Minor débute sa collaboration avec des enseignes telles que Balibaris, Sézane, Octobre mais aussi De bonne Facture. Une belle opportunité pour la manufacture lorientaise !

2. Jérôme et Sylvain, deux entrepreneurs passionnés

A. L’avant Le Minor

Avant de commencer la visite en tant que telle, on a suivi Sylvain dans les bureaux de Le Minor. Et avant de parler directement de la marque de marinières, il nous raconte son histoire et comment, lui et son associé Jérôme, ont débarqué zone des Cinq Chemins à Guidel, il y a de cela 4 ans désormais. Avant d’arriver en Bretagne, les deux amis étaient établis à Paris, où ils ont monté en 2012 Le Flageolet, une marque spécialisée dans la réalisation d’accessoires pour homme. Commençant avec un unique produit, le nœud papillon, ils la développent rapidement avec de nouvelles pièces comme des ceintures, des parapluies, etc. Au fil de leurs visites dans de petits ateliers, leur passion pour l’artisanal se renforce, principalement pour sa dimension souvent familiale. Vient alors un jour où les deux compères souhaitent réaliser des bonnets et des écharpes.

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B. La rencontre avec la famille Grammatico

Jérôme et Sylvain débutent alors leur prospection avec une idée en tête : trouver une usine spécialisée dans la maille et installée en France. Après des recherches plutôt compliquées, ils tombent étonnamment sur un de nos articles datant de 2012, où Joe fait une visite de l’atelier Le Minor. Persuadé qu’ils ont trouvé leur usine, ils cherchent alors désespérément à la joindre, sans succès. Et pour cause, l’usine s’appelle alors Manufacture de Bonneterie Lorientaise, gérée par une famille appelée Grammatico. Après une longue recherche, ils parviennent à trouver un numéro et prennent rendez-vous avec la gérante de l’époque, Mademoiselle Grammatico. Dès leur arrivée, les deux amis tombent sous le charme : l’ambiance du lieu, imprégnée de plus de 90 ans d’histoire et le savoir-faire omniprésent, tout y est. Rapidement, Jérôme et Sylvain passent commande. Puis silence radio du côté de Le Minor, pendant plus de 4 mois.

C. Le rachat

Jérôme et Sylvain reçoivent finalement leur collection de bonnets, à peine un mois avant le début de la saison. Un an plus tard, Sylvain revient à Guidel, afin de réaliser un film sur les process de fabrication de Le Minor. Au détour d’une discussion, Mademoiselle Grammatico lui explique que sa marque est à céder. L’opportunité tombe alors à point nommé puisque les deux entrepreneurs envisageaient de se lancer dans un nouveau projet. Le 30 mai 2018, ce sont donc les deux nouveaux acteurs de l’histoire de Le Minor.

Le Minor Carton

3. Le lieu

A. L’atelier de tricotage

Les présentations largement faites, attardons-nous maintenant sur notre visite et les lieux découverts. Sylvain nous fait débuter par l’atelier de tricotage où Vincent, en charge du lieu, fait tourner une petite dizaine de machines. Assez bruyant, cet atelier est la première étape de tout le cheminement de production. En effet, en tant que marque fabricante, Le Minor part du fil pour réaliser ses pièces. Elle utilise d’ailleurs plusieurs façons de tricoter pour réaliser différents types de produits. En circulaire par exemple, qui permet de réaliser du jersey de coton à l’aide d’une machine qui produit un tissu fini de 250 gr/m2. Sa particularité est de pouvoir réaliser des dessins placés, comme de la grosse rayure. À noter que Le Minor possède une autre machine circulaire permettant de réaliser un tissu de 350 gr/m2, celui utilisé pour les marinières mais aussi pour les polos de rugby.

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Pour ce qui est de la matière première, Le Minor utilise du coton « brut », ou coton cardé. Bien qu’il soit relativement compliqué de le travailler, la raison de ce choix est toute simple : une fois terminée, la marinière aura un aspect « sec », avec un toucher très particulier. Pour la petite histoire, et afin de vous rendre bien compte du résultat, le coton utilisé par Le Minor entre généralement dans la confection de ficelles ou de lacets !

Le Minor Fil

Le Minor Machine Detail

Le petit plus de ce fil : un résultat que l’on ne voit nulle part ailleurs. À côté de cela, on retrouve également des machines destinées à la confection de panneaux. En effet, Le Minor ne tricote pas en forme ni en intégral. Autrement dit, chaque partie nécessaire à la confection d’une pièce est réalisée individuellement. Une fois les panneaux réalisés, et avant d’être découpés, ces derniers passent par une étape importante : la stabilisation. Pour faire simple, ces derniers passent sur un plan de travail qui diffuse de la vapeur. Celle-ci est injectée dans les panneaux de laine, ce qui permet de leur redonner une bonne forme et d’assouplir la maille. Un processus crucial, puisque mal réalisé, il peut détériorer la qualité de la laine. Cette étape faite, les panneaux passent au découpage.

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B. L’atelier de coupe

Avant d’être découpée plus précisément, la matière passe par une étape : le matelassage. Cette dernière consiste à couper des hauteurs de tissu (à la main à l’aide de petites scies circulaires). À l’aide d’un patron, la première hauteur déterminera celle des autres panneaux de tissu. Chaque hauteur comprend un maximum de corps et/ou de manches afin d’optimiser l’utilisation de matière et, de fait, de limiter son gaspillage. Quand la quantité désirée de panneaux superposés est atteinte, le contour du patron est dessiné sur la première hauteur. Puis, par « matelas », les panneaux passent dans une scie à ruban. Au préalable, chaque tissu est parfaitement aligné afin que chacun soit découpé de la même manière. Puis, à la main, une forme est dessinée afin de faciliter la découpe.

Le Minor Scie Circulaire

Le Minor Plan

C. L’atelier de production

Une fois toutes les découpes faites, le vêtement arrive en kit, dans un bac, dans l’atelier de couture. Ici, pas moins d’une vingtaine de postes sont occupés afin de monter les pièces. À savoir d’ailleurs qu’il existe deux chaînes de production : une spécialisée dans les produits en laine et l’autre dans les produits en coton. Chaque pôle est alors autonome et prend ainsi en charge la fabrication d’un modèle ou d’une série de A à Z. À l’origine, l’atelier n’était composé que d’une seule et unique grande chaîne. Mais, en fonction de la disponibilité des personnes, cela pouvait créer des embouteillages ou pire, retarder les sorties de production. Avec cette refonte, la marque gagne en visibilité et en fluidité : au lieu qu’un employé ne soit dédié qu’à un poste (exemple : faire du surjet toute la journée), il peut prendre l’initiative d’aller sur un autre poste pour faire avancer la production. Une technique de responsabilisation en somme, particulièrement efficace. Avant d’être déclarée bonne pour l’envoi, chaque pièce subit une inspection rigoureuse par la cheffe d’atelier. Au moindre défaut, la pièce est écartée pour être soit rattrapée soit envoyée dans le magasin d’usine.

Le Minor Machine Coudre Close

D. L’expédition et l’atelier de modélisme

Lors de l’étape d’envoi, chaque produit Le Minor est une nouvelle fois inspecté puis repassé et ensaché. Juste à côté se trouve l’atelier de modélisme. Ici, chaque modèle est mis au point, que ce soit pour les collections Le Minor ou bien ses clients. Les patrons sont alors dessinés automatiquement via une machine : le traceur. Le process est assez étonnant, puisque ladite machine tient un crayon feutre ! Au fil de la discussion avec Sylvain, on prend plaisir à regarder les pièces des collections passées (et futures) mais aussi certains prototypes.

Le Minor Patron Decoupage

Le Minor Traceur

4. Le Minor aujourd’hui

Après plus de deux heures à déambuler dans les ateliers Le Minor, nous terminons la visite dans le magasin d’usine. Ici se croisent les différentes collections de la marque depuis des dizaines d’années ainsi que les « défectueux » de l’atelier (un œil non avisé aura du mal à voir certains défauts, ce qui traduit la volonté de la marque de proposer des produits de haute qualité). En quittant ces lieux chargés d’histoire, difficile de ne pas souligner le travail accompli par Jérôme et Sylvain, de leur détermination mais, surtout, leur volonté de préserver un petit bout du patrimoine français. Pour des passionnés de vêtements comme nous, qui pourraient facilement parler de méthode de confection pendant des heures, cette visite des ateliers Le Minor a véritablement été un plaisir.

Le Minor Pub 1980

La croissance de Le Minor a entraîné des embauches – 72 personnes en 2022 – et il a fallu répondre à cette expansion en transformant les ateliers. Ainsi, la marque a investi 2 millions d’euros et après un an de travaux, le nouvel atelier vient d’ouvrir ses portes. L’atelier de coupe a, lui aussi, profité de cette injection d’argent, et a vu l’arrivée d’un nouvel outil d’assistance à la coupe, venant compléter le doublement du parc des machines de tricotage et du renouvellement du parc de machines de confection. Sylvain explique l’agrandissement des locaux : “Nous avions surtout besoin d’apporter plus de confort au travail : les bâtiments n’avaient jamais été entretenus depuis leur construction. Le nouveau plateau sera lumineux et les bâtiments mieux isolés. En outre, l’organisation des postes de travail dans le nouvel atelier permettra une meilleure imbrication de nos différents métiers car Le Minor est une marque fabricante entièrement intégrée.

 

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Outre ces locaux flambant neufs, Le Minor a également repensé son magasin d’usine. Ce dernier a pignon sur rue, occupant les anciens quais de livraison, “offrant un écrin digne de ce nom aux collections de mailles précieuses“, et répondant à l’inauguration, en juillet dernier, du musée qui retrace l’histoire de cette marque centenaire et inspirante.

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Pouvoir voir l’intégralité du processus de production permet de comprendre simplement le coût d’un produit mais, surtout, de voir à quel point une pièce de qualité mérite de l’attention. Aujourd’hui, et bien que le chemin soit encore long, la marque connaît une seconde jeunesse et cartonne notamment au Japon. On ressort de là le sourire aux lèvres, fiers de voir que d’autres se passionnent toujours autant pour le savoir-faire français et se battent pour le faire perdurer mais aussi de nous dire qu’une marque perdue dans une petite ville de la côte morbihannaise continue son petit bonhomme de chemin, contre vents et marées.

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Plus d’infos sur : https://leminor.fr

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