Les certifications de condition animale dans la mode
Depuis que nous avons abandonné notre tenue d’Adam il y a des millénaires, nous avons sans-cesse emprunté aux animaux pour fabriquer nos tenues. Qu’il s’agisse du cuir, de la fourrure ou des cornes, l’ensemble de nos vêtements ont été basés sur les caractéristiques de nos chères bêtes, souvent cruellement traitées pour notre confort. Alors que le souci du bien-être animal se développe de plus en plus, nombreux sont ceux qui ont fait le choix de modifier leur alimentation et, de manière plus globale, leur consommation. La mode en fait bien sûr partie. Alors qu’il y a une dizaine d’années, la principale remise en cause de l’industrie était tournée vers l’usage de la fourrure, les questionnements se sont par la suite étendus à l’utilisation du cuir, des cornes ou du pelage. Si bien que nombreux sont ceux qui ont décidé d’accorder une attention particulière au traitement des animaux dans la confection des pièces, donnant lieu au développement d’un grand nombre de certifications. Si celles-ci affirment toutes garantir le respect des bêtes, elles n’agissent pas toutes à la même intensité. Voici notre tour d’horizon des certifications pour le bien-être animal.
Sommaire
1. La mode et la condition animale
2. Qu’est ce qu’une mode respectueuse des animaux ?
3. Quelques certifications à connaître
1. La mode et la condition animale
A. Les animaux et l’habillement
Aujourd’hui encore, un grand nombre de vêtements sont confectionnés sur la souffrance d’animaux. On estime que, chaque année, plus d’un milliard d’animaux sont tués uniquement pour le commerce du cuir. La majeure partie du cuir produit dans le monde provient de Chine, où il n’existe pas de règlementations contre la maltraitance animale dans les élevages. Et le cuir est loin d’être le seul matériau engendrant des sévices. Souvent pointée du doigt, l’industrie de la fourrure fait également partie des plus cruelles, impliquant dans la plupart des cas la capture, la détention dans des conditions invivables, et souvent le passage à tabac. Pour une simple capuche en fourrure, deux animaux doivent être abattus (généralement des renards ou des ratons laveurs). Le duvet, de son côté, est généralement récupéré via le plumage à vif des oies ou des canards, une pratique particulièrement douloureuse pour celles-ci. Enfin, même le commerce de la laine, qui peut pourtant sembler au premier abord inoffensif, peut parfois impliquer des situations d’élevage intensif et, à nouveau, de pratiques barbares comme le mulesing, qui consiste en une mutilation pour éviter les infestations de mouches. De manière globale, l’industrie de la mode participe à capturer des espèces en liberté, parfois des espèces protégées ou en voie d’extinction, pour produire des vêtements. Dans d’autres cas, et de manière similaire à l’industrie agroalimentaire, des animaux sont élevés uniquement pour de la fourrure ou de la laine. Dans l’immense majorité des cas, les animaux sont exécutés lorsqu’ils ne sont plus en mesure de produire assez pour l’industrie.
B. Qu’en est-il des cosmétiques ?
Les tests de cosmétiques sur les animaux ont suscité l’indignation d’un grand nombre d’acteurs pour leur atrocité, mais également pour leur faible efficacité (chaque être vivant disposant d’un organisme complexe, et donc différent). En 2013, l’Union Européenne a interdit toute expérimentation animale portant sur des produits cosmétiques. Pourtant, les certifications « Non testé sur les animaux » ou « cruelty free » sont encore souvent utilisées par les marques, laissant imaginer une pratique commerciale trompeuse. L’Union Européenne a par ailleurs pris le soin de dénoncer les certifications « cruelty free », arguant que la mention ne pouvait être revendiquée comme argumentaire de vente par les entreprises. Alors, ces certifications relèvent-elles de la publicité mensongère ? Pas vraiment, car si en théorie les tests sont interdits sur les animaux, la réalité semble bien différente. En effet, la loi de 2013 entre en contradiction avec une autre loi datant de 2007 : REACH (pour enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques). Celle-ci demande explicitement aux entreprises de réaliser des tests sur les animaux dans le but de fournir des informations sur les potentiels dangers des matières premières (utilisées dans les cosmétiques) sur l’humain. Ainsi, la Commission européenne et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a, dans la pratique, fait passer la réglementation REACH avant la loi de 2013 sur l’interdiction des tests d’ingrédients cosmétiques sur les animaux.
Elsa Pomès est la directrice de la marque de cosmétiques Atelier Populaire (notamment certifiée PETA cruelty free), qui conçoit ses produits de manière artisanale, dans le respect de l’environnement et des animaux. Elle nous explique :
« Pendant très longtemps, l’industrie cosmétique a effectué des tests sur les animaux pour mettre en évidence l’innocuité des produits cosmétiques. Par exemple tester des produits dans les yeux des lapins pour s’assurer qu’on puisse s’appliquer du mascara sans danger. Depuis 2013 la réglementation cosmétique européenne interdit les tests sur les animaux et sont remplacés par des tests in vitro (les produits sont testés sur des cellules humaines ou animales dupliquées artificiellement), in vivo (les produits sont testés sur des tissus d’animaux vivants) et in silico (les scientifiques recréent informatiquement des modèles et comparent les données avec les molécules déjà connues). Cependant cette réglementation fonctionne pour les produits cosmétiques, mais pas pour les matières premières entrant dans ces produits qui sont régis par REACH. À partir d’une certaines quantité de matières premières fabriquées et vendues par an, il est obligatoire de faire des tests sur celles-ci. Aussi, même si la réglementation européenne interdit les tests sur les animaux, il faut savoir que ce n’est pas le cas pour les autres pays. Notamment en Chine, où ils font passer une batterie de tests sur les animaux si on veut vendre et exporter. Donc vous pouvez très bien avoir des produits cosmétiques respectant le règlement européen (pas de test sur les animaux effectué par la marque elle-même), mais qui vend en Chine, donc par défaut des tests ont été effectués par les organismes chinois. »
Source : PETA
2. Qu’est ce qu’une mode respectueuse des animaux ?
Définir ce qu’est une mode respectueuse des animaux est une question complexe. La condition animale est un sujet particulièrement épineux, qui donne lieu à des discussions souvent virulentes, et pas toujours constructives. Le curseur pour chacun est différent, et un grand nombre de critères peuvent entrer en compte (la substituabilité de la matière animale, les conditions d’abattage, la mort ou non d’animaux, la présence ou non de matière animale, etc.). L’objectif de cet article, et de la série en général, n’est donc pas de définir ce qui relève d’une consommation éthique, mais bien de permettre à chacun de consommer de manière consciente, en accord avec ses valeurs.
Pour beaucoup de consommateurs, les convictions en faveur du bon traitement des animaux viennent également s’additionner aux convictions environnementales, ce qui peut parfois être contraignant. En effet, si la mode vegan n’est pas nécessairement polluante, elle peut entraîner des pratiques peu respectueuses de l’environnement. Les substituts aux matières animales sont notamment souvent issus de produits polluants. La vigilance est donc de rigueur, comme le souligne Isma Chanez B., fondatrice du site Klow, qui met en avant des produits éthiques :
« Lorsqu’on s’oriente vers des produits vegan, il faut faire attention à la composition et bien regarder les matériaux qui ont été utilisés. Il y a souvent une confusion dans la tête du consommateur, entre un produit vegan et un produit bon pour l’environnement. L’un ne va pas souvent avec l’autre. Par exemple les cuirs et fourrures vegan ou végétales sont principalement conçues à base de molécules de plastique, issues du pétrole. Il s’agit donc de procédés de fabrication hautement nocifs pour l’environnement. […] Si nous souhaitons nous orienter vers des produits vegan et respectueux de l’environnement, il faudra privilégier les matières 100% naturelles, comme le chanvre, le lin ou le coton bio par exemple. Il faudra également s’assurer qu’aucune trace de plastique ne figure sur les matériaux. »
Une autre ambiguïté existante entre le volet écologique et le respect du bien-être animal se retrouve dans l’appellation « cuir végétal ». Celle-ci est en effet souvent utilisée pour désigner le cuir tanné végétalement, donc sans produit chimique. Si ce cuir est moins polluant et moins dangereux pour la santé que le cuir tanné au chrome, il reste composé à partir de peau animale.
3. Quelques certifications à connaître
Certaines certifications sont destinées à contrôler la façon dont les matériaux d’origine animale ont été obtenus. La certification Naturleder est spécialisée dans le contrôle du cuir. Ce label officiel s’assure que le cuir ne provient pas d’animaux sauvages ou d’espèces protégées. En outre, les cuirs proviennent uniquement d’animaux abattus pour leur viande. Ce n’est donc pas un label vegan. Naturleder s’assure également qu’aucun produit polluant n’est utilisé pour le tannage et le nettoyage du cuir. Enfin, le label n’est attribué qu’aux marques respectueuses de ses salariés et de l’environnement. L’organisme Textile Exchange conçoit également une certification pour le duvet (Responsible Down Standard), qui contrôle les conditions d’élevage des oies et des canards, et pour la laine (Responsible Wool Standard), qui est exclut la maltraitance des animaux dont est issue la laine, et qui permet la traçabilité de celle-ci. Les deux certifications font l’objet d’inspections rigoureuses par le certificateur indépendant Control Union.
D’autres certifications, plus généralistes, s’étendent au-delà de la mode. La Vegan Society est la première organisation à avoir utilisé et défini le terme vegan, en 1946. Elle promeut le mode de consommation vegan dans l’alimentation mais également dans tous les autres domaines. Pour être certifié par la Vegan Society, le produit ne doit pas contenir de matériaux d’origine animale, et ne doit pas avoir été testé sur des animaux. Les contrôles sont effectués par l’association elle-même. La certification s’étend au-delà de l’univers du vêtement, dans une multitude de domaines. De la même manière, la certification Vegan EVE garantit que le produit ne contient pas de matériau d’origine animale et n’a pas été testé sur les animaux. Les deux certifications Vegan Society et Vegan EVE, sont notamment présentes dans l’univers des cosmétiques.
Enfin, l’association PETA (People for the Ethical Treatment of Animals), propose la certification Approved Vegan, uniquement dédiée à l’univers du textile. Pour être certifié “Approved Vegan” par PETA, le produit ne doit pas contenir de matériau d’origine animale, et ne doit pas avoir été testé sur des animaux. Isma Chanez B. de Klow précise :
« PETA a développé un label de confiance qui permet aux consommateurs d’identifier en un clin d’oeil les produits qui ont été conçus dans un total respect du bien être animal et qui sont donc de fait vegan. C’est-à-dire, qu’aucune matière animale n’a été utilisée pour confectionner le produit, qu’aucun animal n’a été « utilisé ou abusé », et ce, sous quelconque forme que ce soit. »
Au niveau des cosmétiques, PETA propose également une certification cruelty free, très présente chez les marques vegan. Cette certification entre également en opposition avec les ambiguïtés légales de l’Union Européenne expliquées plus haut, et dénoncées par PETA. Il est toutefois nécessaire de préciser que les certifications PETA ne font pas l’objet d’inspections, se basant donc sur la bonne foi de la marque.
Cet article est le quatrième d’une série de 5 sujets portant sur les labels et certifications. Dans le prochain article, nous traiterons des certifications Made in France.
Les autres articles de la série :
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