10 choses à savoir pour lancer sa marque de mode
Chaque jour, on voit ces nouvelles marques tenter de percer dans un secteur surchargé. Comptant l’euro près, se démenant pour réussir à faire connaître leurs produits, on s’est aperçu depuis bien des années que lancer sa marque n’était pas une entreprise aisée. La tentation est toujours grande et les motivations souvent similaires : « tiens, cette veste devrait sortir dans telle et telle couleur, elle devrait comporter un zip à tel endroit et une poche ici ». Je ne trouve pas les pièces que je veux, je vais donc les créer moi-même ! Malheureusement, ce n’est pas aussi facile. A ce titre, on a souhaité aborder la démarche de création d’une marque dans un article afin de renseigner toutes les têtes brûlées sur les risques qu’ils encourent et prennent bien tous les éléments en compte au moment de plonger dans le grand bain. Voici 10 choses à savoir pour lancer sa marque de mode pour homme:
1. Commencer petit / choisir un produit phare :
Lorsqu’on s’apprête à lancer un nouveau projet, on déborde d’idées. Une condition nécessaire et fort motivante, mais pourtant dangereuse si le but est de suivre le rythme des lignes de prêt-à-porter aux collections interminables, renouvelées à vitesse accélérée. Chaque pièce va en effet demander un développement spécifique. Or lorsqu’on débute, le temps est multiplié, le risque d’erreurs aussi. A moins d’une équipe bien fournie et d’un portefeuille bien garni, il est impossible de vouloir démarrer proprement une collection mixte avec 60 pièces différentes.
Ainsi, la solution la plus économique (dans tous les sens du terme : temporels, financiers et mal-de-tête) est de choisir une pièce phare, celle pour laquelle on sera reconnu pour son excellence et qui permettra de bâtir une image de marque. Elle sera un socle à partir duquel le projet se lancera. De préférence, il vaut mieux opter pour une pièce facilement déclinable afin de passer sans trop de problèmes d’un seul modèle à 20 différents. De nombreuses marques se développent en suivant ce schéma :
– Larose a débuté en faisant un modèle de casquette « 5 panels », décliné ensuite dans une multitude de couleurs. Ils viennent seulement d’ajouter des chapeaux à leur gamme.
– Mona Watches propose différentes montres retravaillées à partir d’un cadran similaire. Le bracelet change, la couleur du cadran aussi, mais ils ne se dispersent pas en fabriquant des montres, des horloges et des pendules.
– Encore plus récemment, Out Of Town, une toute nouvelle marque de sacs qui a choisi pour ses débuts un produit à l’identité forte en le baptisant même d’un nom propre, le « Friday Bag ». C’est certainement celui qui les suivra tout au long du développement de la marque.
2. Cas spécifique, celui du t-shirt
C’est souvent ce qu’ont en tête ceux qui annoncent vouloir « créer leur marque de fringues ». Or, le travail est assez différent, excepté lors des cas imposant une personnalisation de coupe et une recherche de matière, le boulot est essentiellement celui d’un graphiste et d’un imprimeur. C’est ce dernier qui pourra proposer différents modèles de t-shirts pré-définis et divers moyens d’y appliquer le graphisme de son choix. A ce niveau, on trouve facilement des fabricants comme Stanley & Stella par exemple.
Par ailleurs, certains sont allés encore plus loin en proposant des modèles « all inclusive » permettant de créer une marque de t-shirts en quelques minutes. En effet, des plateformes comme Teespring ou Teezily ont rassemblé toutes les étapes du design à la mise en vente, en passant par l’impression. Il n’y a qu’à trouver une idée, un graphisme… et des clients !
Commencer par une ligne de t-shirts n’est pas forcément une mauvaise idée. Quand on pense au buzz créé par Eleven Paris et ses t-shirts à moustache, à Rad, ou encore en remontant plus loin à Kulte… il est vrai que c’est tentant ! Si la liste de ceux ayant réussi est longue, cela signifie également que celle de ceux ayant échoué l’est d’autant plus et par conséquent il y a une féroce concurrence sur ce marché. Il n’y a qu’à se balader sur un site de t-shirts pour voir à quel point on a l’impression de retrouver toujours les mêmes créations page après page. C’est donc la question essentielle à se poser si l’on souhaite se lancer : comment tirer mon épingle du jeu ?
Mais qu’elle comporte ou non des t-shirts, une collection faite de créations diverses et variées demandera elle un développement différent : au designer et styliste, il faudra certainement ajouter un travail de patronage qui permettra à l’atelier d’avoir une maquette avant de produire en série. Chaque pièce est décomposée en différentes parties. Pour une veste, il faut travailler la forme de la manche, la taille de la poche, etc. Un savoir-faire plus vaste et rigoureux qui nous mène d’autant plus vite au paragraphe suivant.
3. S’entourer est essentiel !
Que l’on soit designer, photographe, banquier ou plombier, il est assez facile d’entrer dans l’univers de la mode si ce projet tient à coeur. Ceci que l’on maîtrise une des multiples compétences requises ou au minimum, si l’on a un certain goût à défendre. Cette détermination, ainsi que (souvent) des moyens financiers limités poussera au départ à tenter de tout faire seul. Si le temps galopant fera vite déchanter, il est aussi bon de réaliser que l’on ne peut pas être bon partout et qu’être mauvais sera même contre-productif. Il faudra donc nécessairement s’entourer de compétences complémentaires : design, photographie, graphisme, comptabilité, développement web et surtout sur la création vestimentaire qui reste le coeur de métier. Quoi qu’il en soit, si l’on pourra certainement compter sur son entourage, il existe de nombreuses plateformes de freelance (Freelancer.com, Creads.fr, etc), permettant de trouver la compétence manquante au moment T pour des missions ponctuelles. Pour les petits budgets, solliciter des étudiants peut être une bonne solution par exemple.
L’importance des métiers de la mode : couture, design, dessin, patronage, etc.
Nous voyons de plus en plus de marques lancées par des personnes n’ayant pas suivi un cursus traditionnel dans la mode (en design, stylisme, couture, etc). Si cela ne doit pas être un frein aux idées, toute ambition dans la mode requerra certainement des personnes maîtrisant ces domaines pour leur donner vie :
– En amont : un designer utilisera les suggestions, références, croquis fournis, pour réaliser différentes propositions. Cela doit aboutir à une fiche technique qui sera ensuite utilisée par l’atelier pour concevoir les pièces. Le designer est indispensable pour donner vie aux idées : ses connaissances lui permettent de réaliser un dessin technique réaliste prenant en compte tous les paramètres (la construction des volumes, ou bien la cohérence des matières et des couleurs).
– En aval : Une fois la fiche technique en main, tout n’est pas fait. Admettons que l’on souhaite une série de chemises, du XS au XL. Il reste donc quelques étapes : le patronage et la gradation. Pour faire court, le patron est l’ensemble des pièces, dessinées sur papier, composant la chemise. En gros, ce sont les pièces « témoin », qui permettront ensuite de couper le tissu de manière identique à l’infini. La gradation est simplement la déclinaison de ces différentes pièces dans toutes les tailles (Et oui, une manche de chemise est différente en XS ou en XL). Dans les faits, vous trouverez souvent des « modélistes », qui réaliseront vos prototypes et prendront en charge cette partie technique.
4. Prévoir longtemps à l’avance
Grosso modo, le schéma de développement est le suivant : la marque prépare une collection, la présente aux acheteurs de boutiques qui passent leur commande. Elle lance ensuite sa production en conséquence et livre les boutiques. À leur tour, les boutiques vont pouvoir mettre en rayon les articles pour les clients finaux. Cela signifie qu’en ce moment (début 2016) les marques viennent de présenter leur collections automne-hiver 2016 aux acheteurs et vont commencer à développer la collection printemps-été 2017. Vous l’avez compris, une collection s’imagine 18 mois à l’avance. Alors, une idée de ce qui sera tendance en juillet 2017 ?
5. Budgétiser
Ce n’est pas spécifique à la mode : lorsqu’on lance un projet, il y a une grande part d’inconnu et de choix à faire. Ainsi, il est difficile de prévoir en amont, notamment parce que ces nombreux tests seront requis pour prendre des décisions. Par ailleurs, des dépenses imprévues pas forcément importantes arrivent toujours comme un cheveu sur la soupe. Elles peuvent vite s’accumuler : mise en place de la société, comptabilité, coûts de transports, droits de douanes, fournitures diverses, etc.
Enfin, le poste de dépense le plus important provient évidemment du financement du stock et de la trésorerie nécessaire que cela demande. Comme évoqué plus haut, il faut produire en février des pièces vendues 6 mois plus tard. Dans le meilleur des cas, les acheteurs ayant validé un bulletin de commande auront versé un acompte permettant de couvrir une partie de ces frais. Bien souvent, les petites marques acceptent de travailler en dépôt-vente (les boutiques n’achètent pas leur stock, mais payent mois par mois en fonction de leurs ventes). C’est donc à la marque de couvrir l’intégralité du besoin de trésorerie entre la commande à l’atelier et la vente au client. Pas de solution miracle pour dégager cette trésorerie mais un moyen en vogue ces dernières années : le recours au financement participatif via des plateformes comme Kickstarter, Kiss Kiss Bank Bank ou Ulule. On vous en parlait déjà dans article sur le recours au financement participatif.
6. La clé : le produit, le produit et encore le produit !
C’est une évidence qui aurait pu figurer plus haut, les meilleurs vendeurs sont les clients satisfaits. Le produit doit donc séduire au moment de l’achat mais aussi à l’usage. Il est à retravailler sans-cesse afin de faire d’éventuels ajustements nécessaires. Attention, remettre en cause un produit qu’on pensait avoir enfin achevé après des mois de développement est un travail qui semblera ingrat. Mais ne pas prendre les nouveaux problèmes à bras le corps et avancer les yeux fermés correspond au fond à une vision très court-termiste. Ainsi, il est important d’avoir en tête qu’un bon produit n’est pas renvoyé au vendeur et qu’à défaut, il lui permet de l’améliorer afin d’en vendre un second encore meilleur.
A ce propos, comment trouver des lieux de production ?
Dans la mode, c’est certainement le secret le mieux gardé : on ne donne jamais le nom de ses fabricants (même si on s’aperçoit souvent que les marques similaires ont les mêmes). En effet, non seulement les créateurs ne veulent être copiés, mais surtout ils n’aiment pas donner facilement l’adresse d’un atelier qu’ils ont mis 6 mois à trouver. On ne vous le cache pas : trouver un bon atelier est la partie la plus compliquée. Aujourd’hui, si l’on peut trouver de nombreux fournisseurs grâce à Google, ce ne sera pas toujours suffisant. La meilleure solution reste alors de fréquenter les salons professionnels et aussi de visiter soi-même.
Dans tous les cas, il est important de fixer en amont une fourchette de prix dans laquelle on souhaite vendre son produit final et le niveau de qualité souhaité ; inutile de dire que les prix asiatiques sont imbattables, mais que la France et l’Italie sont champions niveau qualité (mais réservés à des prix luxueux). Aujourd’hui, de nombreux créateurs se tournent vers le Portugal, la Pologne, la Roumanie, ou la Lituanie. En effet, ils ont un avantage majeur : les prix y sont relativement faibles pour une qualité similaire aux productions françaises. Par ailleurs, c’est accessible facilement, et l’on ne paye aucun droit de douane.
7. La forme compte autant que le fond : l’image
On n’emballe pas un sac Hermès dans un sac en plastique, de même qu’on ne prend pas les photos de sa collection avec son iPhone. A contrario, on voit avec étonnement qu’il est possible de vendre un pot de yaourt trois fois plus cher parce qu’il y a une blague et un dessin de vache rigolo dessus.
Imaginons-nous juste quelques instants être un client intéressé par un produit X. Pour être cohérent, ne devrait-il pas découler d’un tout ? En effet, on a tendance à penser que pour produit haut-de-gamme par exemple, le packaging, le site web, les photos, l’orthographe voire même le style d’écriture doivent être à la hauteur. Cela semble aller de soi, et pourtant ce n’est pas évident. Encore une fois parce qu’on peut facilement penser que le travail est terminé une fois qu’on aboutit à un prototype parfait.
Par ailleurs, l’emballage est parfois perçu comme un cadeau en plus que le client conservera, ou réutilisera. Le plus frappant est le fameux « tote bag », ce sac en coton blanc que l’on utilise pour aller à la plage ou pour faire ses courses. Aujourd’hui, il ne se passe pas un jour sans croiser un sac de ce type, siglé The Kooples, APC, ou je-ne-sais-qui. Quel meilleur support de communication pour une marque que des clients arborant fièrement un packaging ?
8. Le fond du fond : l’histoire
D’où je viens ? Pourquoi je fais cela ? Les gens s’intéressant à un produit veulent également en savoir sur l’identité de la marque qui le propose. Par exemple, les japonais sont très exigeants sur ce point et se renseignent sur l’histoire accompagnant une marque. Sans forcément faire du story-telling hyper cliché à l’américaine ( « We invented this amazing t-shirt to make the world a better place »), il faut pouvoir mettre en valeur son histoire, son produit, sa vision, et ce de manière forte et concise. « Communication is (one of) the key(s) ». Des valeurs précises établies dès le départ fourniront aussi en interne une base solide vers laquelle se retourner pour puiser des réponses en cas de doute sur une action à mettre en oeuvre. Cela servira au moment de communiquer sur la marque.
D’ailleurs, comment se faire connaitre ?
– En ces lieux, on serait tenté de placer en première position la presse et le web. A ce propos, on reçoit de nombreux mails de nouvelles marques tous les jours et on sait à quel point il est difficile de tirer son épingle du jeu. Ce moyen reste néanmoins fiable pour attirer l’attention, mais il ne fait pas tout.
– Les événements : lorsque que la collection est (à peu près) prête, il peut être judicieux de participer à un salon professionnel afin d’attirer l’attention des acheteurs du monde entier. Paris, capitale mondiale de la mode en regorge et ces noms, vous les connaissez puisque nous nous rendons souvent en de tels lieux : Capsule, Man tradeshow, Salon de l’homme, Tranoï, Who’s Next, etc.
– Et enfin, mais c’est une évidence, développez vos réseaux sociaux ! Combien de marques aujourd’hui réussissent leur lancement grâce à une campagne de sponsoring Facebook ?
9. Toute ligne débute en ligne
Un jour, la marque sera certainement distribuée par certains de nos illustres grands magasins ou par des concepts store de renom des quatre coins du monde, mais en 2016, il est étonnant de vouloir faire de la vente physique une priorité. Malgré ce, rien ne remplace un client ayant un produit entre les mains. Développer sa notoriété et ses ventes sur internet semble néanmoins une solution plus économique à tous les niveaux pour débuter. Dans cette optique, il existe désormais énormément de plateformes faciles à installer et à utiliser pour réaliser un site marchand : WordPress, Woocommerce, Prestashop, Magento, Shopify, Weebly etc. On se dit que l’ordre logique des choses (sauf exceptions) c’est qu’une fois le socle de communauté d’acheteurs en ligne créé, cela ouvrira sûrement les portes de points de ventes physiques et provoquera l’engouement des acheteurs internationaux. La mécanique est raccourcie, mais on comprend l’idée ;)
10. Renseignez-vous auprès des institutionnels
Tout travail de qualité ouvre généralement de nombreuses portes : les salons par exemple, font parfois des offres « jeunes créateurs » permettant d’exposer ses produits à moindre frais. Par ailleurs, il peut être intéressant de se renseigner auprès d’institutions spécialisées (fédération du prêt-à-porter, etc). On y apprend beaucoup, notamment que les dépenses en création peuvent-être soumises au fameux Crédit d’Impôt Recherche. Plus précisément, la mode bénéficie d’un sous-système spécifique nommé Crédit d’Impôt Collection. A l’heure où beaucoup font leur bilan comptable, il serait dommage de ne pas y penser…
Comme nous avons pu le voir à travers ces quelques étapes de manière synthétique, le chemin nécessaire au lancement de sa propre marque de prêt-à-porter est long et semé d’embûches. Cependant, avec la volonté et des idées bien rangées, on peut arriver à beaucoup. Retenez pour finir que se lancer avec quelqu’un n’est pas forcément la meilleure chose qui soit car cela créera de nombreux débats sur des points de désaccord. Rester bien entouré est néanmoins important pour éviter de se jeter à corps perdu dans une mauvaise voie. A vos machines à coudre, crayons, souris, imagination, action !
Merci à Damien Bettinelli de Out of Town pour son expertise et son aide à la rédaction de cet article
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