La mode en Corée du Nord
Si la Corée du Nord fascine autant qu’elle effraie, on peut aisément constater qu’elle est un sujet plus que récurrent pour les médias occidentaux. Seulement le traitement de ce pays diffère nettement des autres. Ce n’est pas un gouvernement ainsi qu’un peuple dont on tente de nous dresser le portrait, mais une farce à ciel ouvert, orchestrée par un bouffon à grelot. Ainsi bien que ce pays, à de nombreux égards, est à l’opposé de nos modes de vies, les parallèles que nous pouvons tenter de tisser entre notre quotidien et celui des nord-coréens peuvent permettent de comprendre le pays dans une dimension plus humaine, plus individuelle. Ainsi nous avons choisi de nous pencher sur la garde-robe des hommes et femmes nord-coréens. De par les informations récoltées sur les us et coutumes de cette population, nous allons tenter de déterminer les constituantes majeures de leur dressing, les éventuelles tendances qui se dessinent ou les potentielles censures qui s’appliquent à leur habillement.
Pyongyang Fashion Week
La mode dans sa définition première semble être un sujet secondaire dans un pays qui connait quotidiennement de grandes difficultés. Que ces difficultés soient liées à la violence, à l’autoritarisme ou aux manques de ressources. Seulement les nord-coréens qui ont réussi à s’exiler en Europe ou aux USA rapportent au contraire une place prépondérante des vêtements dans leur quotidien. Une importance qui s’exprime par deux aspects : la mode en tant qu’expression du statut social mais également en tant que moyen de contestation. Le système de classe est profondément ancré dans la société nord-coréenne. Elles s’étendent des communautés les plus proches du pouvoir à celles condamnées aux camps de travail pour plusieurs générations. Ainsi les vêtements et les accessoires sont un moyen d’affirmer la caste dont on est issus et se différencier ainsi des individus rejetés ou ignorés par le gouvernement. Les groupes privilégiés ayant accès à la fois à des magasins considérés haut-de-gamme ainsi qu’à un marché noir permettant d’obtenir des produits en provenance de Chine ou de Corée du Sud. Ces produits issus d’un marché sous-terrain sont également des accessoires de contestation détournés. Car bien que certaines lois posent des règles strictes concernant la conduite à avoir en tant que citoyen nord-coréen, les lois gravitant autour de la garde-robe ne sont pas nécessairement toutes définies noir sur blanc. C’est la normalisation imposée par les groupes qui dicte les choses à faire ou à éviter. Ce positionnement amène certaines femmes et hommes nord-coréens à naviguer entre ces interdits tacites. Mais de quelle façon ces interdits et leurs évolutions se traduisent concrètement dans les garde-robes ?
Côté Femme
Deux facteurs semblent faire bouger les lignes du côté des femmes : la conjointe de Kim Jong-Un qui défraie la chronique, abordant un style qui s’éloigne visiblement des standards conservateurs en vigueur dans le pays. Mais également le girls band local, les « Morabong » qui bien que très politiquement correct dans le discours, tendent à bousculer les représentations. Des jupes un peu plus courtes, des décolletés légèrement plus prononcés et des ensembles plus clinquants font de ce groupe un symbole d’une certaine forme de modernisation du pays. En tout cas de son esthétique. Ces deux figures médiatiques nord-coréennes ont un impact certain sur les femmes (principalement les femmes urbaines) du pays. Il semble en effet que le costume traditionel ainsi que l’uniforme ne soient plus les seules tenues acceptables. Elles cohabitent par exemple avec des talons sensiblement plus haut ou des jupes qui laissent apparaitre les genoux. Encore une fois, on ne parle pas de changement radical des moeurs, seulement de certaines figures médiatiques qui ont entrainé un phénomène de mimétisme chez la population nord-coréenne.
Ainsi même si la fashion week de Pyonyang n’est pas encore au programme, on constate que la mode féminine change rapidement et qu’elle se distance peu à peu des codes imposés sous le régime du père et du grand-père de Kim-Jong-Un. Toutefois, il existe un risque bien présent de subir la répression menée par ce que « The Guardian » a appelé la « Fashion Police » nord-coréenne, des groupes qui ne sont pas rémunérés par le gouvernement mais qui s’assurent de la conformité des tenues arborées par les citoyens. Fait étonnant, pour éviter de tomber sous le coup de cette « Fashion Police », certaines femmes prétendent être des japonaises expatriées ou des touristes chinoises, des groupes qui ne sont pas directement touchés par les restrictions stylistiques. Un peu comme si en France, il était nécessaire de prouver que nous étions des touristes allemands pour porter des chaussettes avec des sandales. Le truc invivable !
Côté Homme
Une actualité nord-coréenne a récemment défrayé la chronique. Les hommes nord-coréens seraient obligés d’adopter la coiffure du « leader suprême » sous peine de sanctions. C’est une information parfaitement fausse qui semble découler d’une interprétation des règles véritablement en vigueur. Bien qu’en Corée du Nord, vous ne soyez pas obligé de copier le patron (Pourtant dieu sait que la raie au milieu, il n’y a pas mieux pour pécho), vous n’êtes pas libre d’aborder n’importe quel style capillaire. En effet, des pancartes affichées sur les devantures des salons de coiffure, présentent les coupes « conformes » aux attentes du gouvernement. De manière générale, il faut oublier les cheveux longs et tout ce qui n’est pas symétrique. Ces règles ont été imprimées dans la conscience collective par une émission diffusée en 2005 sous le nom : « Let’s Trim Our Hair In Accordance With The Socialist Lifestyle » ( « Coupons nos cheveux selon un mode de vie socialiste »). Le but de cette émission était de poser les normes du style capillaire, notamment en essayant de foutre la honte aux citoyens qui n’étaient pas dans le thème.
Outre le cuir chevelu, le dressing masculin est lui aussi bridé par les autorités en place. Il est par exemple fort peu probable que vous trouviez affiché quelques marques ou logo que ce soit. Le rejet du modèle capitaliste occidental ayant amené également un refus de voir apparaitre sa symbolique sur les t-shirts et les casquettes. Toutefois là encore, l’intensification des échanges entre la Chine et la Corée du Nord amène toute une série de contrefaçons sur le territoire nord-coréen. De quoi se payer une casquette Pamu ou un jogging Addadas à moindre coup, le rêve. L’autre règle fondamentale est l’aspect propre et soigné des tenues. Pas de jeans déchirés ou de vieilles baskets usées jusqu’à la semelle, les autorités imposent aux citoyens des chaussures impeccables et des vêtements clean. Toujours dans le soucis d’imposer ordre et normalisation dans le coeur des hommes. Du fun en barres.
Conclusion
Voici donc un portait très succinct de ce à quoi peut ressembler la mode et son cortège de représentations en Corée du Nord. Il reste très difficile d’extrapoler sur ce que sont les conditions de vies des nord-coréens ou de déterminer précisément quel est leur rapport au style vestimentaire. Il semble cependant essentiel de ne pas caricaturer un peuple, à la simple personnalité de son très caricatural leader. Ainsi si les règles imposées par le gouvernement de Kim Jong-Un semblent être toujours très respectées par la population, une véritable évolution semble se dessiner par le biais de ses icônes féminines mais également de par l’intensification des relations commerciales entre la Chine et la Corée du Nord. Des relations qui permettent une circulation plus aisée des marchandises textiles sur le territoire. Il semble toutefois raisonnable de rester sceptique face à des avancées qui semblent marginales dans un pays si renfermé sur lui même. Mais comme l’a dit l’écrivain Paulo Cohelo : « Lorsqu’une chose évolue, tout ce qui est autour évolue de même ».
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