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L’espadrille de Mauléon cousue main

J’ai passé quelques jours le mois derniers dans le Sud-Ouest. Je me suis rendu dans le Gers à Barbothan les Thermes puis dans le Pays Basque et plus précisément à Mauléon-Licharre, berceau de l’espadrille. Au début du siècle dernier, l’essentiel de la production d’espadrilles provenait de cette commune. La construction de barrages hydroélectriques dans les vallées d’Aspe et d’Ossau permis de fournir l’électricité nécessaire aux machines et de 1900 à 1918 Mauléon-Licharre a vécu ce qu’on peut qualifier aujourd’hui d’âge d’or. Notamment grâce à la demande des mines du Nord de la France (chaque mineur recevait une paire d’espadrilles par semaine).

Dans les années 80, la concurrence espagnole et surtout asiatique fit son apparition. Ce fut le début de la fin pour beaucoup d’ateliers. Plus de 3,000 personnes vivaient de l’espadrille, ils ne sont plus que 300 aujourd’hui. Et la fabrication française ne représente plus que 3% de la production mondiale. A Mauléon, 6 ateliers ont survécu dont celui de Prodiso où je me suis rendu. Cette maison a continué à exister grâce à son savoir-faire, l’originalité de ses créations et la qualité de ses espadrilles cousues main. L’espadrille est un produit naturel qui nécessite 3 plantes : du jute pour tresser la semelle, du jus d’hévéa pour le caoutchouc de la semelle d’usure et du coton pour tisser la toile. C’est ce que je vous propose de découvrir dans ce reportage.

Machine à tresser

Machine à tresser

La semelle en corde, si caractéristique de l’espadrille, est réalisée grâce à une tresse de fils de jute. Cette plante cultivée pour ses fibres pousse dans les régions tropicales. Le jute utilisé par Prodiso provient du Bangladesh. L’Inde est également un des producteurs importants. Au début du siècle dernier, le jute arrivait par le port de Bordeaux. En illustration ci-dessus une machine à tresser datant de 1908. Les 5 bobines de jute réalise une danse qui permet de créer ce qu’on appelle une tresse.

Chucca

Chucca

Chez Prodiso on utilise 18 fils au lieu de 10 pour une qualité supérieure. La tresse est enroulée à l’aide d’un outil qu’on appelle un “touret”. Le nombre de tours dépend de la taille de la semelle que l’on souhaite obtenir. Et pour finir la tresse, on utilise une aiguille qui a la forme d’un cône métallique et qu’on appelle “chucca”.

Mouleuse

Mouleuse

 

Machine Miller

Machine Miller

A l’aide d’un moule (une flaque) on donne forme à la tresse. On estime qu’un bon mouleur peut faire une centaine de paires par jour. On compresse la forme dans des mâchoires et on coud la semelle de part en part (aider par 2 poinçons qui font des avant trous). On coupe les fils qui dépassent et on vérifie ensuite la pointure avec une règle en bois.

Tissus Espadrilles

Rouleaux de tissus

L’étape suivante s’effectue à Idaux Mendy, un village voisin. C’est que là que la semelle de corde est assemblée à une semelle de caoutchouc par vulcanisation à chaud (c’est ainsi que la plupart des tennis en toile sont également assemblées). Pour plus de confort, chez Prodiso, on a fait le choix d’une semelle en caoutchouc de 3 millimètres d’épaisseur contre 2 qui est la norme habituelle.

Matelas tissu

Matelas de tissu

Passons à présent au dessus de la chaussure. Il peut s’agir de tissu ou de cuir (spécialité de Prodiso). Pour obtenir les pièces de tissu nécessaires à la confection des espadrilles on superpose 12 épaisseurs de toile. On réalise ce qu’on appelle un pliage accordéon et on obtient un matelas sur lequel on trace à la craie à l’aide de gabarits en carton le contour des pièces. Elles sont ensuite découpées à l’aide d’une scie à ruban (sans dents). Sur l’exemple en illustration, le matelas va permettre de réaliser 8 empeignes (partie avant de la chaussures) de toile noire pour 4 tailles différentes (39, 41, 42 et 43).

Assemblable

Assemblage

L’assemblage se fait à la main avec du fil Polyester (jugé plus solide) qui est de plus doublé. On commence par positionner le milieu de l’empeigne et on fait un point de boutonnière aux deux extrémités. Pour pousser l’aiguille on utilise un gant avec paumelle (renfort au niveau de la pomme de la main). Une couturière réalise de 12 à 18 paires par jour (contre 700 à la machine). Prodiso continue pour cela à faire travailler des couturières à domicile payées à la pièce comme ça a toujours été le cas.

Coutures espadrilles

La couture à l’avant de la chaussure dit “bout musette” est la couture finale : elle permet de renforcer la chaussure et c’est également un signe d’un travail fait main (travail que certains industriels ont néanmoins reproduit en collant une pièce de tissu factice). Autre indice, comme bien souvent dans le fait-main, l’irrégularité des points. Sur le côté vous pouvez voir la différence entre une couture réalisée à la main (espadrille du dessus) et une couture machine (désolé ces photos sont loupées).

Espadrille cuir

Cuir d’Espelette

Prodiso réalise une trentaine de modèles d’espadrilles. Et comme évoqué plus haut, la spécialité de la maison, c’est l’espadrille en cuir. Elle utilise pour cela de très beaux cuir (pour la plupart de vachette) de la région qui proviennent de la tannerie Remy Carriat basée à Espelette (oui comme le piment).

Emporte pièce

Emporte-piece

Pour ce travail du cuir, l’atelier a du réaliser ses propres emporte-pièces qui permettent à l’aide d’une presse hydraulique de découper le cuir et de perforer les contours afin de faciliter le travail de couture qui se fait là encore à la main. Pour la confection de certains de ses modèles haut de gamme Prodiso ajoute une première en cuir (de porc) qui est assemblée avec du latex (qui permet donc de coller la première à la semelle intérieure pour plus de confort).

Espadrilles rayures

Espadrilles en toile

La maison Prodiso vend ses créations dans le Sud-ouest mais également vers la France entière grâce à son site internet qui représente une part croissante de ses ventes (les espadrilles en toile y sont vendus entre 10 et 20€). Le savoir-faire de l’atelier est également reconnu à l’étranger, Prodiso collabore beaucoup avec des créateurs japonais qui n’hésitent pas à faire le voyage pour dessiner et concevoir leurs modèles.

Espadrille Zèbre

Espadrille Zèbre

Le mot de la fin : j’espère que ce reportage vous aura permis de comprendre ce qu’est une espadrille de qualité. Je voudrais notamment souligner qu’évidemment la qualité à un prix mais qu’il se justifie largement quand on voit que Prodiso propose via son site des espadrilles en toile de couleur unie cousue main à partir de 10€ alors qu’on est pas loin de payer le même prix au supermarché pour des espadrilles qui sont d’une qualité toute autre ! Et contrairement à ce qu’on peut dire (à cause de ces produits de qualité médiocre), une espadrille ne s’use pas au bout de 2 jours : je porte pour ma part encore une paire que j’avais acheté l’été dernier. J’en profite pour vous signaler qu’aujourd’hui, comme tous les 15 août, la ville de Mauléon-Licharre fête l’espadrille :-)

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